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La vie de Jeanne Françoise CORMAULT (1793-1855)
Ceux qui font de la généalogie le savent, tous ont un ancêtre dont la vie est similaire à celle de Jeanne Françoise. Alors s’il n’y a rien d’exceptionnel pourquoi en parler me direz-vous ?
Tout simplement parce que c’est en partie ce qui nous contamine au virus de la « généalogite aigue ». Eh oui, chaque acte que l’on retrouve, chaque registre matricule, chaque document, chaque contrat trouvé peut nous apporter notre lot de surprises, parfois surprenantes, parfois tragiques, parfois amusantes mais toujours très instructives sur l’histoire de notre famille.
C’est aussi ce qui fait que nous nous attachons un peu plus à ces personnes que nous n’avons jamais connues. Elles deviennent en quelque sorte « nos chouchoux », nous les imaginons dans leurs vies quotidiennes, voire même physiquement, on s’attache à eux presque autant qu’à nos contemporains, différemment, mais avec un sentiment bien réel. Mais tous ceux qui font de la généalogie ont connu cette sensation.
Revenons quelques années en arrière, pendant la Révolution française. Nous sommes en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, à Mérillac, au lieu dit la Maufrodais. Nous sommes le 2 Frimaire de l’an II (en calendrier grégorien, cette date correspond au Vendredi 22 Novembre 1793), il est 8 heures du matin et Jeanne Françoise pousse son premier cri dans la maison de ses parents.
Jeanne Françoise est la fille aînée du couple Guillaume CORMAULT, cultivateur, né le 2 Novembre 1764 à Langourla et de Michelle Suzanne Claire PILORGET née le 11 Août 1776 à Mérillac. Ils se sont mariés le 28 Janvier 1793 à Mérillac. Michelle est très jeune à la naissance de sa fille aînée, elle n’est âgée que de 17 ans, Guillaume lui a 29 ans.
Tout pourrait être merveilleux lorsque 19 mois plus tard naît la petite Mathurine le 14 prairial de l’an IV (28 Juin 1795) et pourtant, c’est à partir de ce moment que le triste destin de Jeanne Françoise va commencer à se tracer. Alors que la toute jeune Mathurine n’a que 16 jours, Michelle Suzanne Claire PILORGET décède, elle n’a seulement que 18 ans. Heureusement, son père Guillaume restera présent dans les plus grands événements de sa vie, ils sera le témoin de ses mariages et de la naissance de ses enfants. Il sera également présent dans les plus tristes moments qui jalonneront la vie de Jeanne.
Jeanne grandit mais peut être trop vite. A l’âge de 16 ans (tout comme sa mère), elle se marie à Jean Mathurin KERSANTE (mon sosa n° 48). Les bans seront publiés respectivement les 21 et 28 Janvier 1810 sur les communes de Mérillac et Eréac. Le mariage sera célébré le 26 Février 1810 à Mérillac. Très rapidement naîtra le premier enfant du couple.
Sophie Frédérique naît le 31 Décembre 1810 à Mérillac au domicile de ses parents à une heure du matin. Le couple aura 7 autres enfants.
Marie Françoise le 28 Septembre 1812, Jeanne Françoise le 18 Juin 1814. Le 19 Octobre 1815, elle doit faire face au décès de son premier enfant Sophie Frédérique âgée de 4 ans.
Rapidement d’autres enfants naissent, Françoise Ulalie le 7 Mai 1816, des jumeaux Honorée Renée et son frère, (un enfant mort-né) naîtront le 8 Juin 1818. Malheureusement, Jeanne aura la douleur de perdre sa fille Honorée Renée le 6 Juin 1819 alors qu’elle est âgée d’un an. Le 23 Mars 1820 naîtra Périne puis Jean Marie François le 23 Juin 1822. Trois mois plus tard, le 25 Septembre 1822, son mari Jean Mathurin décède à l’âge de 41 ans.
Jeanne Françoise a 28 ans, elle a perdu sa mère à 19 mois, elle est veuve et a déjà mis au monde 8 enfants dont trois sont décédés.
Jeanne Françoise épousera Jean GAIGNET à l’âge de 30 ans le 26 Février 1824 à Mérillac, lui est âgé de 28 ans.
Le 16 Mai 1824, sa fille Périne issue de sa première union décède à son tour à l’âge de 4 ans.
Le 10 Janvier 1825, elle mettra au monde des jumeaux François Mathurin et Pierre François. François Mathurin décède à l’âge de deux mois le 14 Mars 1825. Julien François naîtra le 30 Janvier 1827 puis Louis Marie le 29 Juillet 1829 et Elizabeth Ulalie le 7 mai 1832. Ce sera le dernier enfants de Jeanne qui à l’âge 38 ans aura donné naissance à 13 enfants dont deux fois des jumeaux.
Malheureusement les deuils vont continuer à agrémenter sa triste vie. Le 21 Février 1832, elle perd sa fille Françoise Ulalie KERSANTE, puis son fils Louis Marie issu de sa seconde union le 8 Juin 1836.
Elle décèdera épuisée par les grossesses et les deuils successifs à l’âge de 55 ans le 10 Août 1849 à Eréac.
Jeanne Françoise n’aura pour ainsi dire pas connu sa mère. Mariée à 16 ans elle donnera naissance à 13 enfants . Elle aura perdu son premier mari ainsi que 6 enfants.
Comme je vous l’ai dit plus haut, je sais que nous avons tous des ancêtres ayant connu une vie identique à celle de Jeanne Françoise. Mais voilà, je me suis attachée à elle et surtout je me pose souvent cette question « Quel rapport nos ancêtres avaient-ils avec la mort, l’avaient-ils « apprivoisée » ?
La mortalité infantile autrefois était fréquente, l’espérance de vie plus courte du fait de maladies, un manque de d’hygiène et de moyens médicaux, une vie plus difficile que la nôtre.
Christine MASSARDIER a dit:
Bonjour Carole,
Merci pour ce très bel article qui décrit bien notre virus généalogique et aussi la vie quotidienne de nos ancêtres.
Je pense que malheureusement nos ancêtres n’avaient le temps de s’attarder sur leur triste sort et ces familles nombreuses les obligeaient à aller de l’avant. Néanmoins, c’étaient des êtres humains et ça ne devait pas être évident tous les jours. Même s’ils avaient cette volonté de s’en sortir, ils y étaient aussi contraints : les veufs bien obligés de remarier pour s’occuper de toute leur progéniture et les veuves pour la faire vivre. Ils étaient croyants et cela les aidait à croire en l’avenir. Il me semble avoir lu quelque part que les enfants étaient baptisés ou ondoyés juste après la naissance, sinon en cas de décès ils pensaient que l’enfant serait voué à la damnation et s’il était baptisé cela protégeait la famille.
Pour répondre à votre question : « Alors s’il n’y a rien d »exceptionnel pourquoi en parler me direz-vous ? », la réponse est sur mon site en construction où j’ai rajouté cette phrase de Jean-Paul SARTRE : » Pour que l’évènement le plus banal devienne une aventure, Il suffit de la raconter. »
C’est bien en cela que votre article est très beau.
Et comme vous le dites, ce sont ces évènements quotidiens qui font que nous nous attachons à nos ancêtres et à certains plus particulièrement.
Cordialement.
Christine
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Carole Rouillé a dit:
Bonjour Christine,
Merci beaucoup pour ce très joli commentaire.
La phrase de Jean-Paul Sartre résume bien notre passion commune. Et voilà, comme vous le dites si bien, les priorités, les croyances, la vie d’autrefois étaient différentes d’aujourd’hui mais pourtant faite des mêmes attentes et des mêmes espérances.
Très bonne journée à vous.
Carole
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Sylvette CABASSY a dit:
Bonjour,
J’ai récemment contracté le virus de la généalogie et je me suis particulièrement attachée à mes racines en Mayenne et Ille et Vilaine, deux régions que je ne connaissais pas avant l’été dernier. Je me suis totalement reconnue dans vos commentaires et je suis arrivée aussi à la conclusion que leur foi, plutôt obligatoire à cette époque, devait donner un sens à leurs souffrances et les aider à supporter. Le spectacle de la nature, des saisons, était-il source de joie et d’apaisement ou bien cela représentait-il le dur labeur ? Les veillées et les fêtes de village devaient les consoler et leur apporter du réconfort. Ensuite, lorsque l’accès aux livres et à l’école est devenu une possibilité, leur monde a du en être bouleversé et des portes se sont ouvertes.
Voilà ce que je me dis en épluchant pendant de longues heures l’état civil de mes ancêtres ordinaires du 19ème siècle.
Cordialement,
Sylvette CABASSY
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Christine MASSARDIER a dit:
Oui tout-à-fait !
Heureusement pour nous les conditions d’hygiène et la médecine ont considérablement amélioré notre quotidien mais c’est vrai qu’au fonds, nous avons les mêmes attentes, vous avez raison.
Merci, très bonne journée à vous également.
Christine
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Guillemé Madeleine a dit:
2 erreurs de frappe je pense : Honoré Renée 6 juin 1919,
Jeanne Françoise 18 juin 1814-19 octobre 1814 (âgée de 4 ans ?)
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Carole Rouillé a dit:
Bonjour Madeleine,
Je vous remercie beaucoup pour votre commentaire qui m’a permis de corriger des fautes. En effet Honorée Renée est décédée le 6 Juin 1819. Et c’est Sophie Frédérique et non Jeanne Françoise qui est décédée à l’âge de 4 ans.
Je vous souhaite une très bonne fin de journée.
Carole
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Solange JACQUES a dit:
Je suis très sensible à cette histoire de vie….de ces ancêtres, ;;;nos ancêtres (sans importance pour certains).
Des petites gens, aux conditions de vie difficiles mais que nous faisons ressurgir du passé grâce à nos recherches…et auxquels nous donnons de la consistance…enfin!
Et même si, effectivement, leurs préoccupations premières diffèrent des nôtres, il n’empêche qu’en apprenant à mieux les connaître, nous « sentons » que nous nous ressemblons…ou tout du moins que si nous sommes là c’est que la Vie a gagné….nous, leurs descendants nous sommes la preuve de leur réussite dans leur lutte pour la Vie.
J’ai une aïeule enfant trouvée, déposée dans la « boite » d’un hospice en 1827, mariée à un enfant naturel…. Cette découverte a été si bouleversante que depuis j’ai écrit un livre sur les enfants trouvés . J’ai fait des recherches sur leurs placements, les nourrices, et autant faire que ce peut, leur devenir et celui de leurs descendants…sur les noms aussi qui leur ont été attribués « en remplacement »….
Ce travail répondait, pour moi, à un besoin de les mettre en lumière, en guise de réparation…peut-être?
Et puis, de façon plus contemporaine… j’ai compris aussi la dureté de ma grand mère paternelle chez qui je passais mes vacances, enfant….. Elle provenait d’une famille de métayers, de 15 enfants, dont 8 décèderont…et en particulier, deux petites sœurs, brûlées vives en jouant près de la cheminée dans la cuisine…..et sa mère, une « forte femme » au caractère bien trempée, était pourtant minuscule… Une cousine issue de germains, qui l’a connue à la fin de sa vie (elle est morte à 89 ans) raconte qu’elle était « haute comme 3 pommes », sans dents, et l’envoyait chercher des bonbons à l’épicerie, en cachette, car elle était très gourmande!,
Tout ce que nous pouvons sortir des archives comme des mémoires constitue un véritable trésor.
Solange
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Carole Rouillé a dit:
Bonjour Solange,
Merci beaucoup pour ce commentaire très touchant.
Très bonne journée à vous.
Carole
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Artemisia Solo a dit:
Bonjour Carole
merci pour ce très beau texte, sans doute votre ancêtre serait-elle touchée qu’on s’intéresse à elle, pauvre petite femme très courageuse sans aucun doute, et si frappée par le destin … une belle leçon de courage aussi.
Le but de la recherche généalogique est certes historique, la plupart des gens le font dans ce but en tout cas. Pour moi – et d’autres je pense – il aura été une remise en question. Car quand on découvre au fil des pages tous ces gens qui sont nés, ont vécu, sont morts avant nous, on ne peut que réaliser qu’un jour nous aussi nous ne serons plus que des noms sur des pages. Et nous dire que malgré les problèmes du quotidien, nous avons de la chance. Dans notre immense majorité, et heureusement , nous ignorerons ce que c’est de mourir en couches, de trimer nuit et jour à élever une ribambelle d’enfants pour les enterrer ensuite, de moissonner sous le soleil brûlant, de laver le linge dans l’eau glacée l’hiver …. on a de la chance, une chance inouïe !!
J’ai souri en lisant votre mot » chouchou ». C’est exactement ça. Le mien s’appelait Gabriel LE MAISTRE sieur de la Planche. Petit notaire de Normandie, il n’eut jamais la chance de connaître sa mère, et son père mourut quand il avait 17 ans. Il perdit son épouse et une de ses filles dans l’épidémie de dysenterie de 1676 – et des éléments me donnent à penser que ce fut lui qui introduisit la maladie dans son foyer – son autre fille mourut en couches en laissant un enfant handicapé mental, un de ses trois fils mourut en bas âge. Après son veuvage, il se consola dans les bras d’une jeune femme et une petite fille naquit de cette liaison, qu’il reconnut bien volontiers. Mais il dut s’en séparer, car la mère de l’enfant quitta la paroisse pour s’installer à plus de 50 km de là avec la petite. Son second mariage avec une veuve – sans doute dans le but d’avoir une présence féminine dans la maisonnée, avec des enfants encore petits – ne dura guère car il mourut à son tour âgé de seulement 53 ans.
Sans doute ne s’estimait-il pas plus poursuivi par le destin que les autres, pourtant …. Nos ancêtres, eux, devaient trouver cela normal …. Peut-être Est-ce notre regard qui est décalé par rapport à la perception qu’ils avaient d’eux-mêmes ? Le curseur de tolérance a bougé au fil des siècles, ce qui aurait paru acceptable autrefois nous semble révoltant aujourd’hui …. et vice versa !
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Carole Rouillé a dit:
Bonsoir Artemisia,
Merci beaucoup pour ce témoignage poignant.
Très bonne soirée à vous
Carole
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Guillemé Madeleine a dit:
Merci, Beau témoignante.
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Carole Rouillé a dit:
Bonjour Madeleine, Merci beaucoup pour ce commentaire. Très bonne journée à vous.
Carole
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